Etanchéité des masques, lutter contre le COVID-19… Plusieurs services d’incendie et de secours ont décidé d’interdir le port de la barbe aux sapeurs-pompiers, qu’ils soient volontaires ou professionnels. Aujourd’hui, c’est officiel, l’interdire est illégale. La rédaction de Secours info vous explique pourquoi.
Dans un service d’incendies et de secours français, au moins deux sapeurs-pompiers ont décidé de ne pas respecter cette consigne. Ainsi, leurs gardes ont alors été annulées pendant plusieurs semaines, puis ils ont été placés en autorisation spéciale d’absence.
Très vite, un syndicat a saisi le tribunal administratif et a réclamé l’annulation de cette consigne, pourtant donnée sous forme orale. Les mesures prises à l’encontre des sapeurs-pompiers récalcitrants ont été également été contestées. Saisi du dossier, le juge administratif a annulé l’ensemble de ces décisions en première instance. Le SDIS avait fait appel.
En première instance, le juge administratif a annulé toutes ces décisions, conduisant à ce que le SDIS fasse appel du jugement. C’est donc à la CAA de Nancy qu’est revenu le soin de dire si un SDIS pouvait imposer un rasage complet de ses agents en raison de l’épidémie de Covid19.
Des mesures faisant grief
Pour sa part, le SDIS estimait que la consigne orale litigieuse constituait une simple mesure d’ordre intérieure et ne pouvait faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. Mais, pour les juges de la CAA de Nancy, cette mesure qui faisait obligation aux sapeurs-pompiers professionnels de procéder au rasage complet de toute pilosité faciale, qu’il s’agisse de la barbe, du bouc, des moustaches, des pattes ou encore des favoris, a apporté des restrictions importantes aux choix personnels des intéressés concernant leur apparence physique. Quand bien même cette obligation aurait été édictée en vue de protéger, lors des interventions, la santé et la sécurité des agents concernés, de leurs collègues et des usagers contre les risques de contaminations liés à l’épidémie de Covid-19, elle porte ainsi atteinte au droit au respect de la vie privée, garanti notamment à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, cette mesure ne constituait pas une mesure d’ordre intérieur, mais bien un acte faisant grief, pouvant donc faire l’objet d’un recours.
De même, les décisions suspendant les gardes des intéressés et les plaçant en autorisations spéciales d’absence ont été jugées comme n’étant pas des mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours mais bien au contraire comme des actes faisant griefs. En effet, les gardes constituent une composante essentielle des missions confiées aux sapeurs-pompiers professionnels et les autorisations spéciales d’absence n’entrent pas en compte dans le calcul des congés annuels dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux. Aussi, les mesures contestées ont bien porté atteinte aux droits et prérogatives que les intéressés tenaient de leur statut et ne pouvaient, par conséquent, être regardées comme des mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours.
Le recours jugé recevable, restait à la Cour à se prononcer sur la légalité des mesures litigieuses.
Etanchéité des masques
En demandant aux sapeurs-pompiers un rasage de près, l’objectif de la consigne litigieuse était de garantir l’étanchéité des masques lors des interventions et de protéger, sur le lieu de travail, la santé et la sécurité des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et des usagers contre les risques de contamination liés à l’épidémie de Covid-19. Dans ces conditions, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail aurait dû être consulté préalablement à l’édiction d’une telle mesure, quand bien même il s’agissait d’une mesure temporaire.
Certes le CHSCT a validé une autre délibération relative au rasage de sapeurs-pompiers mais celle-ci était beaucoup moins contraignante puisqu’elle autorisait le port de la moustache et des boucs taillés, et ne dispensait donc pas le SDIS de consulter le comité concernant la consigne litigieuse.
Ainsi, comme les juges de première instance, la CAA de Nancy a également jugé illégale la consigne orale interdisant toute pilosité faciale. Elle a également constaté l’illégalité des mesures prises à l’encontre des deux sapeurs pompiers récalcitrants, prises sur son fondement.